Petit questionn'AIR de Goran Petrović - VILLA-GILLET // AIR // LES ASSISES INTERNATIONALES DU ROMAN 2012

Diversity of voices, diversity of languages : one week of events and readings in Lyon and in the Rhône-Alpes region.



Petit questionn'AIR de Goran Petrović

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• Que sont devenus vos rêves d'enfant ?


J'ai rêvé d'être batteur, photographe ou footballeur. Tous ces rêves sont restés des rêves… Mais on peut aussi dire qu'ils se sont réalisés. Car, en créant un roman ou une nouvelle, l'écrivain donne le rythme comme le fait le batteur, diminue ou agrandit et cadre l'image comme le photographe, passe quelque chose à quelqu'un à l'autre bout du monde comme le footballeur passe le ballon à un coéquipier à l'autre bout du terrain.

• Quelle est votre plus grande addiction ?


Mon médecin dirait : les cigarettes. Mais, il est “seulement” un éminent cardiologue.

• Quel est votre juron, gros mot ou blasphème favori ? 


Il faut tout de même tenir compte de l'âge de ceux qui vont nous lire. Mon juron favori n'est pas pour les oreilles des moins de cent ans.

• Quel est le mot que vous détestez le plus et pourquoi ?


Politique. À cause des politiciens.

• Si vous étiez une figure de style, que seriez-vous ?


Antithèse slave. Hyperbole. Litote.

• Quelle facette de votre personnalité gardez-vous secrète au premier abord et pourquoi ?


Il serait peut-être plus important de découvrir quelle facette de ma personnalité je garde secrète pour moi-même.

• Quelle serait votre plus belle rencontre littéraire (livre, auteur, lecteur, etc.) ?


Un jour, à l'étranger, dans le métro d'une grande ville, j'ai vu un jeune homme en train de lire un de mes recueils de nouvelles publié dans ce pays-là une dizaine d'années auparavant. Dieu sait comment il en était venu à le lire, le livre avait été publié à un tirage relativement faible, l'éditeur estimait qu'il était inutile de le rééditer. Le train fonçait, les voyageurs somnolaient… Il ne s'est rien passé d'autre. J'ai observé l'expression du visage du jeune homme. Il est sorti à la station suivante. Cette ville avait plus de quinze millions d'habitants.

• Quel serait votre plaisir de lecture coupable ?


Les livres qui ne sont pas des livres au vrai sens du terme. Qui sont des brochures. Celles qui contiennent les modes d'emploi de divers appareils, du grille-pain à l'ordinateur, de la brosse à dents électrique au lave-linge, de la télécommande au téléphone mobile… Ces imprimés m'inspirent un sentiment d'assurance. Elles me donnent l'impression que je domine toutes ces machines. Que ce n'est pas le contraire.

• Quel est l'écrivain que vous ne lirez jamais ?


J'ai emmené ma fille pour la première fois à la présentation d'un livre pour enfant. L'auteur était une de mes connaissances. Il a demandé à ma fille si elle voulait qu'il lui offre son livre. Surprise par cette marque de civilité qu'elle ne connaissait pas, elle a répondu : « Je ne sais pas… Il faut d'abord que je vois comment il est. » Je ferai la même réponse à votre question : je ne sais pas, il faut d'abord que je vois ce qu'écrit cet écrivain.

• Quel est le son, le bruit que vous aimez le plus ?


Les chœurs et les murmures de la mer. Les concertos pour piano et les bruits qui viennent de la cuisine quand on prépare un repas (y compris celui d'une bouteille qu'on débouche). Les concertos pour violoncelle et le souffle du vent, le tambourinement de la pluie. Les improvisations du jazz et les annonces sonores des gares de chemin de fer qui signalent les départs des trains et leurs destinations.

• Quel qualificatif décrirait votre bibliothèque personnelle ?


Sécurité. Quelque chose comme une pharmacie domestique. Les livres nous garantissent la plus que nécessaire humidité de l'œil, la jeunesse du cœur, la souplesse d'esprit…

• Rédigez votre épitaphe idéale.


Mon nom serait suivi d'un petit astérisque, comme celui d'un appel de note. Et en bas de la pierre tombale, on pourrait lire : « Pour tout le reste, voyez en bibliothèque. »

Traduit du serbe par Gojko Lukic

 

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